Les lauréats du « Estée Lauder Pink Ribbon Photo Award » 2020
Pour cette édition du concours, placée sur le thème : « RÉSILIENCE », le Jury Estée Lauder Pink Ribbon Award a réunit des professionnels du monde de la photographie ainsi que des acteurs engagés dans la lutte contre le cancer du sein. Celui-ci a récompensé 3 lauréats parmi une sélection de 40 finalistes. Le Grand Prix a été attribué à Margot Lestien et les deux Prix Accessits à Isabelle Mertens et à Yéri Bérénice Ouédraogo. Le Prix du Public Téva été attribué à Julien Cresp.
GRAND PRIX : Margot Lestien

« Il y avait eu le froid glacial de l’annonce qui m’avait projetée dans la mort. Il y a l’eau fraîche dans laquelle je m’immerge et qui rappelle à tous mes pores que je suis vivante.
Il y avait eu ma rivière de larmes. Il y a leurs sillons creusés au coin de mes yeux chaque fois que je ris.
Il y avait eu mon sein gauche découpé, suturé. Il y a mon sein droit qui se dresse hors de l’eau.
Il y avait eu ma peau insensible. Il y a ma cicatrice immergée qui frissonne.
Il y avait eu les rayons de la radiothérapie qui brûlent. Il y a ceux du soleil qui réchauffent mon corps.
Il y avait, il y a et il y aura toujours le courant, celui de l’eau, de la vie qui parfois m’entraîne et me malmène, me file entre les doigts et me glisse dessus. Mais ce courant je sais aussi le fendre, le remonter, y naviguer, m’y immerger et comme lui me renouveler.
Et de cet étrange baptême mon buste irrégulier ressort avec le même nom que celui de cette rivière : le Fier. »
— Patricia
PRIX ACCESSIT : Isabelle Mertens

« Crâner de voir mon crâne nu.
John rase l’arrière de ma tête.
Les cheveux tombent.
Mon visage ne change pas dans le miroir.
Mes yeux pétillent. C’est un jeu.
Quelque chose qu’on ne fait pas.
C’est aussi un quitte ou double.
Beau ou laid ?
La surprise passée je ressens une certaine force de ne plus avoir de cheveux sur la tête.
Comme si le dépouillement m’apportait de la force, de la douceur et de la féminité.
Suis-je nue ?
Ou au contraire, suis-je moins touchable, moins attaquable, moins atteignable ?
Est-ce que ce crâne nu fait de moi cette femme d’humanité ?
Cette lignée milliardaire d’années ?
Pour sûr, je me sens forte de l’humanité quand mon crâne apparaît.
Les premiers Hommes. Les premières Femmes. Je suis le fruit de cette lignée.
Dépouillement privilégié.
Dépouillement d’humanité.
Merci la Vie pour cette expérience que je n’aurais jamais osée et qui me fait du bien.
Je me sens en lien.
Si connectée. »
— Déborah
PRIX ACCESSIT : Yéri Bérénice Ouédraogo

Te souviens-tu Grand-Mère de ce moment ?
À cet instant précis, je suis devenue adulte. Jusque là j’avais l’impression d’avoir cinq ans et demi, l’âge de notre séparation.
J’ai alors osé te parler de ce corps caché sous tes pagnes colorés.
Maman t’a traduit en dialecte lobi l’intention de mon projet.
Je voulais voir, toucher, ressentir et partager avec toi cette épreuve passée ; il y a quatre ans et loin de moi.
Ta réaction était à la hauteur de ce que tu pouvais dégager, toi la mère de huit enfants, droite et fière, au regard franc.
Tu as retiré le haut de ton wax et tu t’es présentée face à moi sans un mot. Un silence lourd mais criant tout ce que nous ne pouvions nous dire par le barrage de la langue. Tu m’impressionnais et en même temps, je souhaitais devenir ton voile de protection.
J’ai posé ma main non pas sur ce sein qui n’est plus mais sur la cicatrice qui le remplace.
Tu n’as pas bougé et tu m’as offert ton âme. Tu as compris l’importance de ma demande.
Minafré (je t’aime).
LE PRIX DU PUBLIC TEVA : Julien Cresp

« Dans les ténèbres de l’épreuve, face au gouffre de notre faiblesse, une force surgit d’au-delà de nous-mêmes et nous offre cette opportunité : choisir la vie !
Le choc du cancer m’a donné envie de rassembler ce que j’ai de meilleur en moi et autour de moi, ceux que j’aime, pour gravir cette montagne de la maladie ensemble : encordés jusqu’au sommet, jusqu’à la guérison !
Je crois que l’union fait la force, que la communion transcende, que l’autre est un passeur.
Comme les aspérités nécessaires à l’ascension, nos failles sont fécondes. Y jaillit la lumière.
Dans l’objectif du photographe ami, ils sont là, invisibles. Ils tirent la corde, une tension, une danse. Complicité. Gratitude. Espérance. On lit sur mon front de l’audace : « À bas les haut-le-cœur ! ». Mon adage : « Haut les cœurs ». Résilience.
Modiste, il y a vingt ans, j’œuvrais à la féminité autour de la tête. Aujourd’hui, tête nue, j’assume la féminité sans complexe.
La montagne me déshabille pour me recentrer sur l’essentiel : vivre ! »
— Marie-Clémence.
Plus d’infos : www.pinkribbonaward.fr