Une plongée au cœur de l’Italie par le photographe Luchino Gatti

À travers son exposition ‘O sarracino, le photographe et réalisateur franco-italien Luchino Gatti propose une odyssée photographique au cœur de l’Italie méridionale. L’exposition aborde des thèmes transversaux que sont l’immigration, l’identité culturelle et défis socio-économiques du Mezzogiorno. A travers ses clichés, l’artiste révèle tant la richesse culturelle que les difficultés persistantes de ces territoires, notamment le chômage et l’influence de la mafia.
Type de fabrication : Impressions directes UV sur Dibond 2mm.
Le laboratoire Picto aide les photographes professionnels pour la réalisation de leurs expositions, des tirages à l’accrochage, en passant par les finitions et l’encadrement.
En 2015, après 15 ans de carrière dans la boxe, Luchino Gatti se tourne vers le cinéma. Au cours de sa formation à l’École de la Cité, il se lance dans l’écriture et la production de plusieurs court-métrages. En novembre 2020, il part en Arménie tourner un documentaire sur la secondeguerre du Haut-Karabagh, où il réalise des clichés photographiques. Luchino Gatti porte alors un intérêt croissant pour la photographie, moyen d’expression plus direct. Après avoir sorti un ouvrage photo-documentaire sur le collectif de rap 667, Luchino Gatti part s’installer en Italie, où il poursuit l’écriture de son premier long métrage et réalise en 2023 la série photo ‘O Sarracino.
Après chaque journée d’école, ma grand-mère (paix à son âme) me récupère moi, mes frères et mes cousin(e)s. Elle nous prépare le quatre-heure classique : du pain tartiné avec de la margarine. Cette après-midi là, le téléphone sonne. Elle décroche et à ma stupéfaction je ne comprends pas un seul des mots qui sortent de sa bouche. Mon père entre dans la pièce, montre ma grand-mère le téléphone à la main etme dit “Regarde, Mamie parle italien !”
Cette scène ne m’a jamais quitté et je m’en souviens comme si c’était hier. C’est tout un univers qui d’un coup, s’ouvre à moi. Quelque chosede nouveau et différent de tout ce que j’avais connu jusqu’alors. J’ai le souvenir d’une sensation de vide m’envahir. À qui donc pouvait elleparler de cette manière ? Comment une personne si proche de moi, pouvait d’une seconde à l’autre devenir si différente, à tel point que je nepuisse plus comprendre les mots qui sortent de sa bouche ? Quelles sont ces sonorités si différentes de celles que l’on m’apprend à l’école ?
Mais alors, qui suis-je vraiment ? Personne ne m’as prévenu moi, que j’étais aussi italien.
À la maison on parle français, c’est mon grand-père qui en a décidé ainsi car, “Il faut s’intégrer”. Ce n’est que bien plus tard que j’ai compri spourquoi ma grand-mère inventait des mots : le « Scabou » désignait bien l’escabeau.
En grandissant, nous allions chaque été en Italie voir nos oncles, nos tantes et cousines, passer du temps à la mer et au soleil. Au pays on y apprend enfin la langue, sur le vif, en parlant aux autres. On y découvre les légendes urbaines qui y sont nées, vivant à notre rythme de petits banlieusards français parfois en décalage avec les traditions locales.
Cette empreinte qui se façonne en moi pendant des semaines, se dérobe peu à peu à mon retour en France. Comme tout adolescent, j’essaie de comprendre pour me construire. Les films et plus tard la musique, seront des supports qui me permettront de m’identifier, de m’accrocher à quelque chose qui m’échappe encore. Ok, je suis italien…mais si c’est le cas, pourquoi Vito Corleone dans le Parrain 2 parle si différemment de moi ? Pourquoi je ne comprends pas un mot de ce qui se dit quand je regarde le film Gomorra au cinéma en 2008 ? Ils sont sensés être italiens eux aussi !
Tout simplement car Vito Corleone est Sicilien et en Sicile on parle le Sicilien, comme à Naples on parle Napolitain.
L’Italie est un état qui s’est unifié il y a moins de 150 ans (1870). Aujourd’hui, on appelle Mezzogiorno (midi) l’ensemble des régions du sud de l’Italie. Caractérisées par un développement économique inférieur à celui du reste du pays (tissu économique faible, chômage élevé), et parune culture et une sociologie particulières (mentalité mafieuse, faiblesse des institutions), ces régions ont gardé leurs propres langages.
J’ai passé trois mois et demi seul, à fouler la terre de mes ancêtres pour tenter de comprendre qui ils étaient et comment ils avaient vécu.Quelles langues parlaient-ils et pourquoi ils ont quitté le pays. Qui pouvait être au bout du fil, ce jour où ma grand-mère décrochait le combiné ?
Je suis le Sarrasin de retour à ses origines. Voici ce que je garde de mon voyage.
• Date : Du 15 novembre au 1er décembre 2024
• Lieu : Orangerie Du Val Ombreux
Chemin De L’orangerie 95230
Soisy-Sous-Montmorencye de Fourcy
https://luchinogatti.com/
https://www.instagram.com/luchinogatti/